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Tuesday, August 26, 2008

Du cerveau à Dieu : Introduction (en francais)

Du cerveau à Dieu (Guy Trédaniel Éditeur, 2008) :

1. Nous ne sommes pas des matérialistes, ...

2. Le cerveau n’est pas l’esprit

3. Les approches non-matérialistes ont clairement démontré leur intérêt dans le domaine de la santé mentale.

4. Comment pouvons-nous étudier scientifiquement la spiritualité ?

Prochaine : 1. Nous ne sommes pas des matérialistes, ...

Note: The English language version is here.

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1. "Nous ne sommes pas des matérialistes, ... "

Quand mon étudiant de doctorat Vincent Paquette et moi-même avons commencé à étudier les expériences spirituelles de soeurs carmélites à l’université de Montréal, nous savions que nos motivations allaient très probablement être mal comprises.

D’abord nous avons dû convaincre les soeurs que nous n’allions pas chercher à prouver que leurs expériences religieuses ne sont pas réelles, qu’elles sont des illusions, ou qu’elles s’expliquent par un artéfact dans le cerveau. Ensuite nous avons dû calmer à la fois les espoirs des athées professionnels et les craintes du clergé quant à la possibilité que nous allions chercher à réduire ces expériences à une sorte « d’interrupteur de Dieu » dans le cerveau.

C’est précisément ce que veulent faire de nombreux neuroscientifiques. Mais Vincent et moi appartenons à une minorité – les neuroscientifiques non-matérialistes. La plupart des scientifiques aujourd’hui sont des matérialistes qui pensent que le monde physique est la seule réalité. Absolument tout le reste – y compris les pensées, les sentiments, l’esprit, et la volonté – peut être expliqué en termes de matière et de phénomènes physiques, ne laissant aucune place au fait que la religion et les expériences spirituelles puissent être autre chose que des illusions. Les matérialistes sont comme le personnage de Charles Dickens, Ebeneezer Scrooge, qui rejette son expérience du fantôme de Marley comme « une tranche de boeuf mal digérée, une demi-cuillerée de moutarde, un morceau de fromage, un fragment de pomme de terre mal cuite ».
Vincent et moi, au contraire, n’avons pas entamé nos recherches avec de tels présupposés matérialistes. Et puisque nous ne sommes pas des matérialistes, nous n’avons pas douté a priori qu’une personne contemplative puisse entrer en contact avec une réalité extérieure à elle-même au cours d’une expérience mystique. En fait, les neurosciences m’ont attiré en partie parce que je savais d’expérience que de telles choses peuvent réellement se produire. Vincent et moi voulions seulement savoir quels pouvaient être les corrélats neuraux – l’activité des neurones – au cours d’une telle expérience.

Compte tenu de l’immense domination du matérialisme dans les neurosciences contemporaines, nous avons eu de la chance que les soeurs aient cru à notre sincérité et aient accepté de nous aider, puis que la Fondation Templeton ait vu l’intérêt de soutenir nos recherches. Bien sûr, on peut nous demander si les études neuroscientifiques sur des nonnes contemplatives peuvent démontrer l’existence de Dieu. Non, mais elles peuvent démontrer – et elles l’ont fait –, que l’état de conscience mystique est une réalité. Dans cet état, le contemplatif fait semble-t-il
l’expérience d’aspects de la réalité qui ne sont pas accessibles à partir d’autres états. Ces découvertes excluent plusieurs thèses matérialistes selon lesquelles le contemplatif simule ou enjolive l’expérience. Vincent et moi avons aussi montré que les expériences mystiques sont complexes – une découverte qui contredit la grande variété d’explications matérialistes simplistes, telles qu’un « gène de Dieu », un « point de Dieu », ou un « interrupteur de Dieu » dans nos cerveaux.

Denyse O’Leary, qui est journaliste, et moi-même avons écrit ce livre pour réfléchir au sens de ces études, et plus généralement pour proposer une approche neuroscientifique de la connaissance des expériences religieuses, spirituelles et mystiques. Aujourd’hui les neurosciences sont matérialistes. C’est-à-dire qu’elles supposent que l’esprit se réduit tout simplement au mécanisme physique du cerveau. Pour comprendre ce que cela veut dire, considérons cette simple phrase : « Cela m’est venu à l’esprit. » Personne ne dirait : « Cela m’est venu au cerveau. » Par contraste, on pourrait dire « il faut protéger le cerveau en cas de choc », et non « il faut protéger l’esprit en cas de choc ».

Prochaine : 2. Le cerveau n’est pas l’esprit

Note 2: The English language version starts here.

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2. Le cerveau n’est pas l’esprit

Mais les matérialistes pensent que la distinction que l’on fait entre son esprit, en tant qu’entité immatérielle, et son cerveau, en tant qu’organe corporel, n’a pas de véritable fondement. L’esprit est supposé être une simple illusion générée par les mécanismes du cerveau. Certains matérialistes pensent que nous ne devrions même pas utiliser une terminologie qui suggère que notre esprit existe. Dans ce livre, nous avons l’intention de montrer que votre esprit existe bel et bien, qu’il n’est pas identique à votre cerveau. Vos pensées et vos sentiments ne peuvent pas être écartés ou réduits à des décharges de synapses et d’autres phénomènes purement physiques. Dans un monde exclusivement matériel, le « pouvoir de la pensée » ou de « l’esprit sur la matière » sont des illusions, le but ou le sens n’existent pas, et il n’y a aucune place pour Dieu. Pourtant de nombreuses personnes vivent de telles expériences, et nous apportons des données suggérant que ces expériences sont réelles.

Par contraste, de nombreux matérialistes estiment désormais que des notions comme le sens ou le but ne correspondent pas à la réalité ; elles sont de simples adaptations favorables à la survie de l’être humain. En d’autres termes, elles n’ont pas d’existence au-delà de l’évolution de circuits neuronaux dans nos cerveaux. Ainsi que le co-découvreur du code génétique Francis Crick l’écrit dans L’hypothèse stupéfiante : «Après tout, nos cerveaux hautement développés n’ont pas évolué sous la pression de devoir découvrir des vérités scientifiques, mais seulement de nous permettre d’être assez intelligents pour survivre et laisser des descendants. » Mais les questions sur le sens et le but sont-elles de simples mécanismes de survie ? Si un tel dédain pour une vie intellectuelle qui couvre des milliers d’années semble si peu convaincant, c’est peut-être pour une bonne raison. Supposons, par exemple, qu’un homme en bonne santé donne en échange de rien un de ses reins à un étranger mourant. Le matérialiste va rechercher chez les taupes, les rats ou les chimpanzés une analogie qui sera le meilleur moyen de comprendre les motivations du donneur.

Il pense que l’état d’esprit du donneur peut être expliqué en totalité par l’hypothèse selon laquelle son cerveau a évolué lentement et avec difficultés à partir du cerveau de créatures comme celles-là. Par conséquent, son esprit n’est qu’une illusion créée par les mécanismes d’uncerveau surdéveloppé, et sa conscience de sa propre situation n’est finalement pas significative pour rendre compte de ses actions.

Ce livre prétend que même si le cerveau humain évolue, cela n’implique pas que l’on puisse écarter l’esprit humain de cette façon. Mais plutôt que le cerveau humain rend possible un esprit humain, là où le cerveau de la taupe ne le peut pas (avec mes excuses à l’espèce des taupes). Toutefois, le cerveau n’est pas l’esprit ; c’est un organe adapté pour connecter un esprit au reste de l’univers. Par analogie, l’épreuve de natation des Jeux olympiques requiert une piscine de niveau olympique. Mais la piscine ne crée pas l’événement olympique ; elle le rend possible en un endroit donné.

Selon la perspective matérialiste, notre conscience humaine et notre libre arbitre sont des problèmes qu’il faut « réduire ». Pour comprendre ce que cela veut dire, considérons ce commentaire sur la conscience par Steven Pinker, un chercheur en sciences cognitives d’Harvard, dans un article récent de Time magazine intitulé « Le mystère de la conscience » (19 janvier 2007). À propos des deux problèmes centraux auxquels les scientifiques sont confrontés, il écrit :

Bien qu’aucun des deux problèmes n’ait été résolu, les neuroscientifiques
s’accordent sur plusieurs de leurs caractéristiques, et celle qu’ils trouvent la
moins sujette à controverse est aussi celle que la plupart des non-spécialistes
trouvent la plus choquante. Francis Crick l’appelle « l’hypothèse stupéfiante »
– l’idée que nos pensées, nos sensations, nos joies et nos peines sont
uniquement des processus physiologiques dansles tissus du cerveau. La conscience
ne réside pas dans une âme éthérée qui utiliserait le cerveau comme un assistant
numérique personnel (PDA) ; la conscience est l’activité même du cerveau.

Puisque Pinker reconnaît qu’aucun des problèmes concernant la conscience n’est soit résolu, soit près de l’être, comment peut-il être si sûr que la conscience est simplement « l’activité du cerveau », impliquant qu’il n’y a pas d’âme ?

Un aspect pratique du matérialisme de Pinker est que le moindre doute peut être étiqueté « non scientifique » par principe, ce qui interdit par avance toute discussion sur la plausibilité du matérialisme. Le matérialisme est sans aucun doute une croyance que beaucoup d’intellectuels ne songeraient même pas à remettre en question. Mais la force de leur conviction n’implique pas qu’il s’agisse d’une description juste de la réalité, ni n’apporte de preuve en sa faveur. On peut donc argumenter en faveur de la conception opposée, ainsi que ce livre va le démontrer.


Prochaine : 3. Les approches non-matérialistes ont clairement démontré leur intérêt dans le domaine de la santé mentale.

Note: The English language version starts here.

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